Dans une société marquée par le changement climatique, une urbanisation rapide et des préoccupations environnementales croissantes, le végétal se présente comme une solution incontournable à plusieurs niveaux : pour la société, l’environnement et la lutte contre le changement climatique. Malgré ses nombreux atouts, il reste trop souvent négligé dans les infrastructures publiques, notamment à cause de son implantation et de sa gestion complexes. Il nous semble essentiel de promouvoir son usage auprès des décideurs et de former les parties prenantes à son intégration efficace pour maximiser les services écosystémiques qu’il peut offrir.
La filière horticole, un acteur clé de l’aménagement urbain
Le rôle des horticulteurs et pépiniéristes français est central dans cette démarche. Ils possèdent l’expertise nécessaire pour produire les végétaux adaptés aux besoins des aménageurs et répondre aux enjeux de biodiversité, de santé publique et de lutte contre le réchauffement climatique. Le maintien de cette filière est donc une nécessité à la fois écologique et sociétale.
Services écosystémiques et aménagement urbain
La notion de service écosystémique, apparue dans les années 1990 et définie par le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) en 2005, regroupe les bénéfices que les écosystèmes offrent aux humains. Ils sont classés en quatre catégories :
- Services d’approvisionnement : production de nourriture, fibres textiles, médicaments, carburant, etc.
- Services culturels : loisirs, inspiration artistique, spiritualité, innovation scientifique.
- Services de régulation : stockage du carbone, gestion des eaux, régulation climatique et sanitaire.
- Services de support : pollinisation, formation des sols, maintien de la biodiversité.
Les infrastructures vertes, apparues en 2010 et définies par la Commission européenne en 2013, sont des dispositifs qui maximisent ces services en intégrant la nature dans les paysages urbains. Contrairement aux infrastructures dites « grises », elles visent à protéger et renforcer la biodiversité tout en améliorant l’adaptation des villes au changement climatique.
Lutte contre les îlots de chaleur en milieu urbain
Un des enjeux majeurs des milieux urbains est la gestion des îlots de chaleur. Ce phénomène résulte de l’accumulation de chaleur par la densité des constructions, le bitume des routes, le trafic routier et les climatiseurs qui réchauffent l’air extérieur. Ce déséquilibre thermique a des conséquences néfastes sur la santé publique et l’environnement.
Les végétaux constituent une solution efficace contre ces effets. Grâce à l’évapotranspiration, ils redistribuent l’eau dans l’atmosphère et rafraîchissent l’air ambiant. Cette action permet de réduire les températures de 0,5 à 5 °C. De plus, les arbres et les parcs urbains créent des îlots de fraîcheur, influençant la température dans un rayon de 300 mètres. L’ombrage fourni par la canopée des arbres protège également les surfaces urbaines, prolongeant ainsi la durée de vie des matériaux et réduisant les coûts d’entretien des infrastructures.
Les végétaux jouent aussi un rôle clé dans l’efficacité énergétique des bâtiments. En limitant l’impact du vent et en fournissant de l’ombre, ils réduisent les besoins en chauffage et en climatisation. Enfin, les toitures et murs végétalisés améliorent l’isolation thermique et phonique.
Eau de pluie : végétaliser contre les inondations et l’érosion
L’imperméabilisation excessive des sols en ville empêche l’absorption naturelle de l’eau de pluie. Résultat : une augmentation du risque d’inondations et de saturation des réseaux d’assainissement. Avec l’intensification des épisodes de pluie, il devient urgent d’intégrer davantage de surfaces perméables.
Les infrastructures vertes, en favorisant l’infiltration des eaux de pluie, permettent non seulement de limiter les risques d’inondation, mais aussi de recharger les nappes phréatiques. Elles stockent l’eau et réduisent le ruissellement, tout en assurant une meilleure résilience des végétaux face aux sécheresses. En parallèle, elles offrent des bénéfices supplémentaires comme l’amélioration de la qualité de l’air, la création d’espaces de détente et le renforcement des corridors écologiques.
La mise en place de solutions de gestion naturelle des eaux réduit enfin les coûts globaux liés à l’entretien des réseaux d’assainissement et au traitement des eaux usées.
Qualité de l’air et séquestration du carbone
La pollution de l’air est une problématique majeure dans les villes, affectant directement la santé des habitants. Santé Publique France estime que 40 000 décès par an sont liés aux particules fines (PM2,5) et 7 000 au dioxyde d’azote.
Les végétaux, grâce à la photosynthèse, captent le CO₂ et rejettent de l’oxygène. Ils filtrent aussi les particules atmosphériques et absorbent de nombreux polluants. En multipliant les espaces verts et en favorisant la circulation de l’air, on améliore la qualité de vie en ville tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, la séquestration du carbone est un levier essentiel pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Les arbres, les sols et les infrastructures végétalisées stockent le CO₂ et participent à la lutte contre le réchauffement climatique.
Préserver la biodiversité grâce aux infrastructures vertes
La biodiversité est aujourd’hui menacée. La sixième extinction de masse est en cours, avec plus de 30 % des espèces animales menacées en France. La destruction des habitats naturels, l’artificialisation des sols et les pollutions multiples accélèrent ce phénomène.
Les infrastructures vertes jouent un rôle essentiel dans la reconquête de la biodiversité. En créant des corridors écologiques et en connectant les espaces naturels, elles permettent aux espèces de circuler et de survivre.
La biodiversité revêt plusieurs aspects bénéfiques : elle soutient l’agriculture, purifie l’air et l’eau, et contribue au bien-être psychologique et physique. Maintenir et recréer des espaces végétalisés est donc fondamental pour garantir un cadre de vie sain et durable.
Santé publique et bien-être : le rôle de la nature
La cohésion sociale subit les effets des transformations environnementales et de l’urbanisation croissante, notamment sur la santé mentale et physique des habitants. La solastalgie, définie comme un malaise psychique lié aux bouleversements écologiques, ainsi que le trouble du déficit de nature, touchent de plus en plus les populations urbaines. En parallèle, l’obésité a doublé en 20 ans en France, atteignant 17 % de la population en 2020. Ces enjeux sont amplifiés par la densité urbaine et le manque d’espaces naturels accessibles qui favorisent aussi le lien social.
Les espaces verts montrent des bienfaits majeurs : ils réduisent le stress, améliorent la concentration, favorisent l’exercice physique et diminuent les risques de maladies cardiovasculaires. L’OMS conseille à chaque citadin de pouvoir accéder à un espace vert d’au moins 0,5 hectare à 300 m maximum de son domicile. Cependant, leur impact diminue au-delà d’un kilomètre, d’où la nécessité de mailler les villes d’infrastructures vertes interconnectées.
Végétaliser pour la cohésion sociale et l’attractivité urbaine
L’attractivité des villes repose sur plusieurs critères : opportunités d’emploi, qualité des infrastructures et cadre de vie. La végétalisation joue un rôle clé dans ce dernier aspect. De nombreux labels, tels que Villes et Villages Fleuris ou Villes où il fait bon vivre, valorisent les efforts en matière de verdissement.
Loin des pollutions sonores, le touriste urbain recherche aussi des sites emblématiques comme les Jardins des Plantes de Nantes ou les parcs de Lyon. À Paris, 36 % des visiteurs fréquentent des jardins et 11 % y viennent spécifiquement pour ces espaces. De plus, 85 % des Français considèrent les espaces verts comme un critère essentiel dans le choix de leur lieu de résidence.
Outre l’attractivité, la végétalisation réduit les îlots de chaleur, améliore la qualité de l’air et limite la pollution sonore, contribuant ainsi à une meilleure qualité de vie.
Le rôle des horticulteurs et pépiniéristes
Les producteurs horticoles et pépiniéristes français sont des acteurs incontournables du verdissement urbain. Avec 2 700 entreprises et 16 000 emplois, ils fournissent les végétaux nécessaires aux infrastructures vertes : îlots de fraîcheur, corridors écologiques, noues végétalisées, etc. La fédération Verdir représente ces professionnels auprès des institutions et défend la place du végétal dans les politiques publiques.
Un contexte politique favorable
L’Union européenne et la France ont mis en place des stratégies ambitieuses pour lutter contre le changement climatique et restaurer la biodiversité.
- Le Pacte Vert pour l’Europe (2019) vise la neutralité carbone et la restauration de la biodiversité d’ici 2030 ;
- La Stratégie Nationale Biodiversité 2030 prévoit 40 mesures pour protéger et restaurer les écosystèmes. Les horticulteurs peuvent jouer un rôle clé, notamment en renforçant les habitats des pollinisateurs et en intégrant la nature en ville ;
- Le Plan Eau (2023) lutte contre la sécheresse et l’inondation avec 53 mesures, dont 100 millions d’euros pour financer la renaturation urbaine ;
- Le Pacte en faveur de la haie (2023) prévoit la plantation de 50 000 km de haies d’ici 2030, impliquant les pépiniéristes dans la planification et la gestion des haies ;
- Le Règlement européen de restauration de la nature (2024) impose aux États membres de restaurer 20% des zones terrestres et marines d’ici 2030 ;
- Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (2024) inscrit la végétalisation comme une priorité pour renforcer la résilience face aux dérèglements climatiques.
Ces dispositifs encouragent l’intégration massive du végétal dans les politiques urbaines et environnementales.
Des défis d’aujourd’hui pour agir dans la durée
Face aux défis climatiques, environnementaux et sanitaires, la végétalisation des espaces urbains apparaît comme une solution incontournable. Les infrastructures vertes améliorent la qualité de vie, réduisent les risques sanitaires, renforcent l’attractivité des territoires et permettent une adaptation durable aux changements environnementaux.
Grâce au soutien des politiques publiques et à l’expertise des horticulteurs, les infrastructures vertes doivent devenir une composante essentielle de l’urbanisme de demain.
Le maintien de la filière horticole et la formation des acteurs sont essentiels pour assurer une transition écologique réussie. Aujourd’hui, miser sur le végétal dans ses plans d’urbanisme, c’est choisir une solution durable et bénéfique pour les générations futures.